Possède-t-il la couleur des mille désirs que sans cesse j'entrevois?
  A-t-il la couleur de ces longues après-midi de quiétude à ne rien faire d'autre qu'observer la course du Soleil?
 A-t-il la couleur de ces regards que chaque jour je croise et qui se taisent, s'émeuvent ou se perdent selon le temps, l'humeur ou les caprices ?
 J'aurais aimé vous faire un tableau à la fois précis et grandiose de ce que semble être le bonheur, j'aurais aimé vous conter, comme on conte sa première nuit d'amour, la première fois que je l'entrevis. J'aurais voulu vous parler de lui comme je parle d'une amante : avec les yeux empli d'une gratitude sans bornes et les mots si courts qu'ils n'expriment que l'essentiel.
 J'en suis cependant incapable...
Qu'est-ce, finalement, le bonheur?
Cette notion me semble si vide de sens...
   Vous me comprendrez dès le moment où je vous poserai cette toute simple question :

        Qu'est-ce qui ferait votre bonheur?

 En effet, je suis persuadé que les quelques malheureux qui tomberont sur ces lignes auront tous repondu, après force hésitations, différement les uns des autres (je conçois que certains désirent un même objet, mais cela changera et ils n'ont qu'à pas le dire ) à cette pourtant si simple question.
Pourquoi, me direz-vous encore (si, si, si : vous me le direz), attaché-je donc tant d'importance aux diverses réponses que j'aurais pu recevoir?

 Et bien, malchanceux lecteur, pour la bonne et simple raison que je désirais te montrer à quel point cette notion est subjective et égoiste.
 Je n'ai en rien le profil d'un martyr et je ne vante en rien le rituel du sacrifice mais j'ai toujours (naïvement) cru que le bonheur de tous pouvait permettre de léser quelques uns. 
 Or, je vous défie de faire, à l'aide du bonheur de chacun, Un Bonheur Universel; forme de bonheur qui conviendrait à tous. Ce concept auquel nous aurions tous droit -et après lequel nombre d'entre nous ici bas court- ne pourrait, en fin de compte, n'être qu'un leurre car irréalilsable pour tous. Pas forcément, me direz-vous, puisqu'il est tout de même possible, pour certains, de l'atteindre.

Certes... 
 ...combien de temps ?

 Demande donc, chère lectrice, à ton amie éperdue d'amour pour un homme qui vient de lui signifier froidement sa volonté de se séparer d'elle, qu'est-ce qui ferait son bonheur.
Revenons dans deux ans, chère amie, et (quelque soit les évènements survenus durant cette période )demandons-le lui de nouveau...
Je te promets une nouvelle réponse.
Et ceci n'est qu'un exemple parmi bien d'autres. J'invite d'ailleurs tout lecteur égaré ici à faire le test autour de lui : il rate rarement

 Le Bonheur est bien l'une des rares symphonies que les Hommes semblent incapables d'écouter de concert, comme si celle-ci s'amusait à ne jouer ses notes qu'alternativement à chacun, de sorte qu'aucun jamais n'entend ni la même mélodie que les autres, ni ne l'entend dans son entièreté.

 J'ose encore espérer pourtant que, tel un trompe l'oeil, le Bonheur ait des allures de patchwork primitif dont les couleurs, de prime abord brouillonnes et vulgaires, dévoilent leurs secrets et la beauté d'un tableau qu'il n'est possible de contempler qu'avec le recul d'une Eternité.