Don Juan, Dom Juan, Don John, Heer Johan et Don Giovanni.
Je n'y ajouterai pas les multiples noms de famille qui furent ajoutés selon les fantaisies des auteurs.
Don Juan n'a connu ni nationalité, ni généalogie. Cela, au lieu de l'éloigner des nations et des hommes, l'a rendu plus proche d'eux au point qu'il semble être né dans tous les pays d'Europe, avoir aimé toutes les femmes et fait trembler tous les commandeurs, gouverneurs et autres pantins du même accabit.
 De même, toutes les villes connurent leur Dona Anna, leur Isabelle et leur Commandeur assassiné.
 Pourquoi des génies tels que Molière, Byron, Musset, le duo Mozart- Da Ponte, Hoffmann, Pouchkine et Lenau se sont penchés sur le cas de cet odieux athé coureur de jupons?
 Après avoir cité tous ces noms, je me dis que je devrais m'arrêter d'écrire tant ce sont eux qui le diront comme il est nécessaire de l'entendre : tendre comme un songe; léger comme sommeil et volatile comme un pétale.
Ce message, tombé au fond de coeurd sensibles, les frappera tant qu'ils ne pourront considérer l'Homme, la Femme et la Terre de la même manière. Sera-ce de gratitude ou de folie, Don Juan vous aura fait un cadeau que vous ne pourrez oublier...

 Don Juan n'est pas un vulgaire dragueur mécanique et malintentionné doublé d'un érotomane ou d'un homosexuel refoulé; n'en déplaise aux psychiatres et autres spécialistes en "psy" (que je révère et respecte, attention!) qui s'acharnent tant à vouloir disséquer mon camarade.
On le dit infidèle et menteur mais on l'aime et il séduit. On le dit fourbe et blasphémateur mais on l'écoute et on le craint.

 Il n'est rien de tout cela. La malédiction de Don Juan est que c'est un être foncièrement sensible.
Sensible au point qu'il sent, pressent, touche et sonde d'un regard; d'un battement de cil; d'un changement de couleur ou un mouvement de pupille les moindres secrets du Monde et des êtres.
Il lui suffit d'une seconde pour voir, deux pour sentir, trois pour toucher, quatre pour sonder et cinq pour posséder. Une éternité en cinq seconde...

 Chaque être - Femme, Homme, Animal et Végétal - est une source de questions, de réponses et de souhaits. Dans sa course vers le Vertigineux, il tend à embrasser tous les secrets, toutes les questions et toutes les réponses. Il se sait avoir les moyens d'y parvenir sans savoir réellement comment ni jusqu'où.
Il refuse de se plier à des lois ou des règles qui s'opposent à ce qu'il sent. Les promesses, les alliances, les devoirs et les contraintes imposés par une soi disant morale, éthique ou étiquette : il n'en a cure car d'où provient que c'est ainsi que les humains devraient vivre?

 Vous me direz probablement qu'il était irresponsable, égoiste et infidèle.
Ce sont plutot les femmes qu'il a connu qui disent cela, en fait...
Ces femmes, ont-elles cessé de l'aimer après? Est-ce plaie d'amour ou plaie d'orgueil?

Rares sont celles qui ignorent Juan et qui ne se méfient point de lui lorsqu'elles croisent son passage.
Rares aussi celles qui peuvent dire le connaitre ou pouvoir le décrire.
Rares aussi celles qui comprirent réellement la raison pour laquelle elle s'attachaient tant à ses pas par la suite et pourquoi l'absence de lui pouvait à ce point ôter toutes couleurs à cette vie...
 Lorsque l'on croise cet homme, ce n'est pas seulement une rencontre, c'est un éffarement, une illumination. On ne peut y rester indifférent.
 Tout ce qu'il fait est Naturel (comme la Nature et non la nature humaine) : les gestes, les paroles, les réponses. Aucune des femmes qu'il a croisé n'a contesté son message et ses idées mais elles cèdent toutes à cette envie, trop humaine, de le posséder. Il leur révèle leurs véritables natures - la Véritable Nature - : belle et désirable. 

 Comment accepter dès lors que cet horizon de paradis qu'il dévoile fugitivement ne s'éloigne...
Lui connait trop la valeur de chaque instant, de chaque note, de chaque corps pour pouvoir s'attacher à un seul comme prévalant sur tous les autres.
De même, il ne favorise pas un moment par rapport à un autre si ceux-ci ont su contenir l'Eternité. Les promesses sont donc vaines car c'est l'Eternité qui s'offre.
Les idéaux de couple ne lui conviennent pas vu qu'il vit une vie et plus encore sur cinq secondes, et en une nuit s'enivre largement ce qu'en vingt ans un homme ne saurait faire si bien. 
 Faim et soif de corps et d'âmes.
On comprend parfaitement dès lors que cette quête - cette course, cette danse, cette symphonie - ne peut souffrir aucun arrêt, aucun temps mort, aucune retenue.

 Comment arrêter un Homme vivant aussi vite que les dieux; aussi fort que les immortels; aussi pur que les anges et aussi séduisant que le diable?
Jusqu'où Dieu, la Nature, les Hommes, le Diable, la Société laisseront-ils cet impie qui aussi ouvertement vante des valeurs qui ne sont point de sa condition et que seuls quelques élus devaient savoir, bafouer les carcans légaux et morbides qu'ils ont imposé et faire tourner au ridicule les plus infimes raisonnements populaires?

 Mon ami Don Juan était sensible et les romantiques le comprirent, Mozart le comprit, Lenau le compris et tant d'autres que je ne peux que vous recommander tant ma plume ne se fatigue lorsque j'évoque...

                                                                       ... My ancient friend Don Juan.

 Il était une fois des écrits mélodieux  : "Don Juan" de Lenau; "L'invité de pierre" de Pouchkine; "Don Juan" de Hoffman.

Et de la couleur musicale : "Don Giovanni", opéra de Mozart et de Lorenzo Da Ponte. A voir absolument!