J'aime ces éclairs de métal et d'agathe, orages de passions et de rage, tempête, tourbillon bien plus que valse; lutte bien plus que possession. Elle a le goût doré des étés naissant, avec cette touche pêche-oranger qui remet en mémoire ces étérnités langoureuses dédiées à ne rien faire d'autre que s'adonner au désir. Elle goute le soleil sous toutes ses facettes et c'est bien jusqu'à lui que je compte, le temps d'une dérive qui ne durera qu'une Eternité, l'emporter. Le Soleil, qui n'en a cure, rit de me voir si bête, si fou, si coloré. Le moi paresseux a, par les graces de Christa, prit le large et laisse à ma part éthérée le soin de mener le pas de la danse. La lumière est parfaite, la musique est enchanteresse et mon désir fleurte avec les étoiles. La Valse va pouvoir continuer...

Je ne connais même pas son nom.

Cette jeune femme respire la poésie et la légèreté. Elle rêve d'infini et d'inconnu car elle barbote dans une incommensurable banalité. Douce sicilienne aux yeux couleurs aventure, elle a un fiancé dont elle parle de façon lacunaire. Il est, semble-t-il, un compagnon agréable et sera un mari fidèle. Le genre de jeune homme que toutes les mères veulent pour gendre : il est gentil, gagne bien sa vie et deviendra un père de famille respectable. Toutefois, j'ai écouté et admiré le cri de ses yeux, la couleur de sa voix et le frémissement de ses lèvres. Je sens en ses mots un manque de rêve et d'envol; une lacune en musique et en couleur; un trou béant au niveau du coeur. Je connais cette Lumière comme je sais que ces quelques notes sont celles qui préludent à la Valse.

Porterais-je son coeur à l'explosion? Mon regard, unique arme dont je me sois servi contre elle lors de notre entretien, l'a-t-il déjà touchée?

J'éprouve une peur presque animale à jouer de mes couleurs avec elle. L'aimer à la hâte n'aurait guère de sens : ma sicilienne est une fleur qui nécessite des caresses et des couleurs, de la musique et du coeur, des larmes et des délires, du rêves et du désir.

La sonate explose et mon actrice sicilienne prend des teintes de volontaire au sacrifice. Elle revêt les oripeaux d'une communiante dont seul le sang raviverait le Rouge et le Désir que j'éprouve.

Je dois la revoir demain au même endroit.

Je sais qu'elle viendra comme je sais que j'aimerai lui dire déjà :

"Excuse moi ma douce...

                      ...ce sont les couleurs qui me poussent"